Née au creux d’un vallon des MauresL’image d’une source est bien celle qui convient pour illustrer la naissance de cette belle histoire d’éducation et de coopération qui a irrigué le territoire de la corniche des Maures, sur le littoral méditerranéen varois, et la région sahélienne de Markoye, au Burkina Faso.C’est en effet dans le creux d’un vallon des petites montagnes «maures» (1) que les communes regroupées dans un syndicat (2) ont projeté de construire un barrage sur la rivière de la Verne afin de sécuriser l’approvisionnement en eau de leurs habitants. Mais dans une région qui avait vécu le drame de la rupture du barrage de Malpasset en 1959, faire accepter la construction de ce nouvel ouvrage n’était pas une affaire simple. Les habitants du village situé quelques kilomètres à l’aval du projet avaient tous en mémoire les images de cette catastrophe qui avait provoqué la mort ou la disparition de 423 personnes. Et leur maire de l’époque fit savoir au syndicat des eaux qu’il consulterait sa population par voie de référendum et qu’il se rangerait à son avis pour autoriser ou non ce projet. D’une source de mort à une source de viePour essayer de transformer cette représentation dominante d’un barrage source de mort en celle d’une ressource indispensable à la vie de la région, le syndicat décida de s’engager dans une campagne d’information et de concertation qui dura près de deux ans. Il s’est agi dans un premier temps d’écouter les gens exprimer leurs craintes et leurs visions du projet, pour ensuite travailler ensemble ces représentations par le dialogue. Sans le savoir à l’époque, le syndicat effectuait les premiers pas de la «démarche chemin» qu’il allait approfondir quelques années plus tard. De nombreuses réunions publiques, des expositions, la réalisation d’un film et d’une maquette, et aussi les premières actions de sensibilisation vers les scolaires ont jalonné cette riche période de concertation menée dans la clarté et le respect de tous les interlocuteurs. Un dimanche de février 1988, les habitants se sont rendus aux urnes en nombre (80% de participation) et 66,50% d’entre eux se sont prononcés en faveur du projet. De l’information à l’éducationCe succès conforta le syndicat des eaux dans l’idée qu’une bonne gestion de l’eau passe par la concertation, l’information et la participation des citoyens. Il décida donc de poursuivre ces activités en les développant auprès des publics scolaires. Au cours des premières années, ces activités ont principalement consisté en un transfert d’informations et de savoirs de spécialistes de l’eau vers les élèves. Jusqu’à la rencontre heureuse en 1996 avec René Jam, nouvellement nommé Inspecteur d’éducation sur le territoire du Syndicat (voir l’interview de René Jam) qui donna un nouveau départ et de nouvelles orientations au projet. Le véritable partenariat qui s’est développé entre les enseignants, les professionnels de l’eau et de l’environnement a permis d’adapter les contenus et les méthodes des activités proposées aux représentations des élèves, aux attentes des enseignants et de leur institution. Cela s’est traduit par la mise en œuvre progressive d’une pédagogie coopérative et différenciée qui a conduit à inscrire l’ensemble des actions du projet dans le concept de «démarche chemin» défini par Edgar Morin et largement expliquée dans les autres ressources documentaires de cette bibliothèque. (1) Maures signifie «sombres» en provençal(2) Le Syndicat Intercommunal de Distribution d’Eau de la Corniche des MauresDans la dynamique de ce projet initial de construction d'un barrage, nous trouvons en filigrane les énergies qui organiseront, jusqu'à nos jours, la cohérence et l'éthique de nos actions :− Des valeurs affirmées de respect mutuel, de coopération, de solidarité et de partage− Une démarche éducative participative mobilisant l'ensemble des acteurs dans leurs forces vives, physiques et réflexives.− Une confrontation au réel, sensible, concrète et responsable