Pour l’Occident, Homo sapiens est confronté, depuis l’origine, à la dualité comme principe d’organisation de sa pensée et de ses représentations mentales. Il y a quelques 4 millions d’années les hominidés se redressaient pour parcourir la savane et mieux percevoir ainsi leur environnement. Cette transformation posturale en libérant la main et la boite crânienne allait entraîner une véritable révolution comportementale chez l‘homme. L’opposition du pouce aux autres doigts ainsi que l’évolution rapide du cerveau associatif engageaient résolument homo sapiens dans la conquête de la pensée et de la conscience réfléchie. Par la même il quittait l’univers impitoyable mais somme toute sécurisant de l’instinct animal. L’immersion dans le présent de l’action, qui est le lieu d’expression de l’instinct, de la vie, faisait place, avec la capacité de se représenter le monde, à l’emprise du temps sur la conscience humaine. L’homme découvrait avec angoisse sa finitude : le tragique de sa condition ne le quittera plus. Il faisait l’expérience, plus particulièrement dans la civilisation occidentale de la dualité :Vie - Mort ;Amour - Haine ; Féminin - Masculin ; Bien - Mal ;Vérité - Mensonge ; Bas - haut; Ciel - Terre ... L’opposition des contraires allait structurer son univers mental et le précipiter, comme sous l’effet d’un grand balancier, d’un extrême à l’autre .Tous les efforts des sages con- sisteront, alors par l’exercice de la pensée philosophique, à réduire les effets désastreux de ces mouvements contraires en cherchant à définir la vérité. La quête de l’harmonie, du bonheur n’est en fait que l’éternelle recherche de l’intégration des contraires : L’évolution de l’homme va donc être marquée du sceau de la dualité avec, en toile de fond, la nostalgie de l’unité. • Affrontement de la science et de la culture. Michel Henry dans son ouvrage La barbarie – PUF, part d’un constat simple mais paradoxal : « celui d’une époque, la nôtre, caractérisée par un développement sans précédent du savoir allant de pair avec l’effondrement de la culture. Pour la première fois sans doute dans l’histoire de l’humanité, savoir et culture divergent, au point de s’opposer dans un affrontement gigantesque, une lutte à mort, s’il est vrai que le triomphe du premier entraîne la disparition du second... ... L’abstraction à laquelle procède la science est double. C’est d’abord l’abstraction qui définit le monde scientifique en tant que tel- en tant qu’il met hors jeu dans l’être de la nature les qualités sensibles et les prédicats affectifs qui lui appartiennent à priori, pour ne retenir de lui que les formes susceptibles de se prêter à une détermination