Jacques LEVINE dans une intervention au parlement français de Bruxelles, en février 2004, affirmait, après avoir rendu hommage à M. LIPMAN qu’il considère comme le pionnier, celui qui a ouvert la voie, • « qu’il y a deux façons de concevoir ce qu’on peut appeler « la naissance de la pensée philosophique des enfants », il y a deux approches, la sienne et la nôtre, mais loin d’être incompatibles, elles peuvent et doivent être considérées comme complémentaires ». Notre approche s’inscrit dans l’approche psychogénétique de J. LEVINE, ancien élève de Wallon. Dans un essai de grammaire générative du langage corporel*, notre préoccupa- tion à vouloir redonner au corps sa place de sujet, dans une approche corporelle du langage,nous avait donc,tout naturellement,portés à le rejoindre dans ses propositions éducatives aux frontières de l’anthropologie, de la psychanalyse et de la pédagogie. Aujourd’hui, tout en intégrant cette filiation, nous souhaitons prolonger la réflexion sur le monde philosophique de l’enfant en l’inscrivant dans l’approche phénoménologique de laVie de Michel HENRY.Son analyse éclaire pour nous, de façon lumineuse, les raisons qui font des ateliers de philosophie un moment si attendu et si précieux dans la vie des jeunes écoliers qui perçoivent que dans la gratuité de cet espace de parole ils peuvent faire l’expérience « d’un Désir qui n’a point de modèle dans les choses parce qu’il est le Désir de laVie et ainsi le Désir de Soi*». La séquence filmée d’un atelier de philosophie en Grande section de maternelle de l’école Pisan à Cogolin et animée par sa directrice, madame Liliane MARGUERIE, est saisissante par l’extraordinaire sérieux, voire la gravité avec laquelle les enfants parlent de la différence entre les hommes et les femmes. Le sentiment que nous avons de par ticiper à un moment éducatif essentiel tient, nous semble-t-il, à l’authenticité de l’expression des enfants et au fait que ces paroles, avant d’être des « paroles du monde », c’est à dire des paroles qui tentent d’objectiver la réalité posée à l’extérieur de soi, dans un mouvement de transcendance, sont des « paroles de la vie ». Ce qui nous frappe tout d’abord, ce n’est pas tellement le contenu du « langage digital », ce qu’ils disent, les mots, la syntaxe qu’ils utilisent qui peuvent nous sembler pauvres mais bien plutôt le « langage analogique », la manière dont ils le disent et dont les paroles semblent surgir de leurs mouvements, de leur sensibilité, de leur corps. Cette mise en scène sensible et corporelle de la parole enfantine révèle le creuset affectif où la pensée se secrète. Sur le thème « l’homme et la femme sont-ils pareils ? », au-delà de la syntaxe et de l’architecture du discours si nous sommes attentifs aux mots qui se succèdent dans les prises de parole nous constatons, avec étonnement et émerveillement, qu’ils jalonnent une véritable approche anthropologique du problème posé : différenciation des genres, * René JAM - revue communiquer !... oui !... mais comment ? n° 5 CDDP du VAR * Michel Henry Auto-donation – entretiens et conférences ED Prétentaines