là. C’est bien alors parce que nous avons le désir d’aller à sa rencontre, au plus prêt de sa réalité vivante. Cette intersubjectivité souhaitée ne peut pas se faire dans le champ d’une extériorité objectivante. Pour M. Henry* « cet autre langage, la parole de la vie, le plus souvent occulté, qui repose sur l’autorévélation de la vie, il est permis d’en saisir a priori l’essence à partir des propriétés phénoménologiques de la vie comme la façon même dont elle révèle en son autorévélation. Car la façon dont la vie révèle, c’est celle dont elle parle. Et pour autant qu’elle révèle en son autorévélation, sans se mettre hors de soi dans la différence d’un monde – alors, contrairement à tout autre langage lequel se rapporte toujours à un référent extérieur à lui, la parole que parle la vie présente le caractère extraordinaire qu’elle ne parle jamais que de soi. Elle ne parle pas de soi à la manière d’un interlocuteur ennuyeux qui, à travers ses discours, ne cesse de se viser soi-même. La parole de la vie précisément ne vise rien – et soi-même moins que toute chose ; elle ne porte en elle aucune intentionnalité. Ce rapport à soi qui ne se détache pas sur l’horizon du monde et ne le rend pas manifeste à sa manière, puise sa possibilité dans le pathos. Pathos désigne le mode de phénoménalisation selon lequel se phénoménalise la vie dans son autorévélation originaire, la matière phénoménologique dont cette « auto-donation » est faite, sa chair : une affectivité transcendantale et pure en laquelle tout s’éprouver soi-même trouve son effectuation phénoménologique concrète. En ce pathos le « comment » de la révélation devient son contenu». Nous le voyons bien dans le temps des ateliers de philosophie où la parole des jeunes enfants pour se dire emprunte avec, gravité, le chemin du corps qui mobilise toutes ses ressources expressives et sensibles : le regard, la voix, l’intonation, le mouvement, les attitudes, les gestes, le souffle... * Michel HENRY – A l’épreuve de la Vie – Colloque de CERISY 1999. Ed. Cerf pages 15 à 37 « Si la vie ne révèle originairement rien d’autre que sa propre réalité, c’est uniquement parce que son mode de révélation est le pathos, cette essence tout entière occupée d’elle même, cette plénitude d’une chair immergée dans l’auto-affection de son souffrir et de son jouir. Dans l’immanence de son propre pathos, cette réalité de la vie n’est pas n’importe laquelle. Elle est tout sauf ce qu’en fera la pensée moderne, quelque essence impersonnelle, anonyme, aveugle, muette. Elle porte nécessairement en soi ce Soi généré dans son auto-génération pathétique, ce Soi qui ne se révèle que dans la Vie comme la propre révélation à soi de cette Vie - comme son Logos. ...ainsi la parole de la vie révèle-t-elle à la fois la réalité de la vie et le Soi sans lequel aucune vie n’est vivante. En cette double révélation consiste l’impensé de notre condition phénoménologique ultime, celle d’être des vivants dans la vie*».