Témoignage de Christiane MARTEL*. Compte-rendu d’experimentation. « ... Les ateliers de philosophie sont conduits depuis 3ans dans des classes de cycle 2 de la ZEP de Toulon (2 classes de CP et une classe de CE1). La population scolaire est semblable à celle des ZEP, et les origines des familles des élèves sont très diverses. À titre d’exemple, pour l’année qui vient de s’écouler, 21 élèves étaient accueillis en CP, parmi lesquels 5 dont la famille est d’origine tunisienne, 4 marocaine, 1 Guinéenne, 1 éthiopienne, 1 yougoslave,1 turque, et 5 familles de gitans sédentarisés. J’ai décidé de mettre en place ces ateliers de philosophie après la rencontre avec Jacques LEVINE, venu donner une conférence à Toulon dans le cadre de l’OCCE, après la lecture des travaux de Michel TOZZI, de l’Université de Montpellier, et après une session de formation de formateurs avec Marielle RISPAIL, professeure à l’IUFM de Nice. Les ateliers de philosophie sont intéressants à plus d’un titre : outre le fait que l’enseignant pose une question pour laquelle il n’a pas forcément de réponse, une question qui préoccupe les hommes ici et ailleurs, depuis toujours, et qui les interrogera vraisem- blablement encore longtemps, les enfants sont placés dans une situation originale à l’école, puisqu’il n’est pas fait appel à leurs savoirs, à leurs compétences d’élèves mais à leur réflexion sur les problèmes de la vie. Avec leurs pairs, dans le cadre d’un groupe invité à réfléchir, à penser, à dire ce qu’il pense et à entendre la pensée des autres, chaque enfant s’engage sur le chemin de l’élaboration et de la formulation de sa pensée personnelle, accompagné par les autres. Il existe dans les classes des élèves silencieux, qui ne prennent jamais ou très rarement la parole malgré la diversité des situations mises en place et les sollicitations des enseignants... les sujets des ateliers de philosophie, directement puisés dans leurs préoccupations et dans la vie, ainsi que les confrontations avec les camarades, sont des invitations fortes à prendre la parole, y compris pour les « petits parleurs », (néologisme qui m’est personnel). Quelques interrogations ont précédé la mise en place des ateliers de philosophie dans la classe, sur les capacités des élèves comme sur les miennes. Les doutes, les scrupules quant à mes compétences, ont été en partie levés par la clarification des objectifs et du rôle de l’enseignant. Quelle est la fonction de l’enseignant? Il s’agit d’accompagner la construction de la pensée personnelle, d’engager les élèves à argumenter, à préciser leur point de vue, à accepter un avis différent, à écouter les autres, à les entendre... dans un climat de coopération, d’écoute solidaire, de prise de parole organisée et régulée. * Christiane Martel - Carole Calistri - Béatrice Romel Rainelli Apprendre à parler - Apprendre à penser. Ed. SCEREN - CNDP