... L’affectivité est la condition première de la sensibilité. C’est pourquoi elle est aussi, comme mode fondamental du rapport au monde, la racine pré-intellectuelle de tout acte de comprendre, la source de l’intelligence... C’est dans et par le sentiment que le monde nous est révélé, et c’est en lui seul que se fonde notre intelligence ». Ces deux modalités d’apparaître de la réalité : la parole de la vie et la parole du monde qui fondent l’originalité de la phénoménologie de la vie par l’opposition radicale qu’elles instaurent entre objectivité et subjectivité, entre science et culture, entre visible et invisible, bouleversent notre compréhension du langage. « Vient alors en question une autre parole, qui parle autrement, qui dit autre chose, qui le dit à celui qu’elle génère dans sa parole même, qui puise en elle sa condition de vivant, qui n’en est jamais séparé et ne peut l’être.Parole de vie et non de mort.Parole véridique où se dit la réalité, ignorant la différence, l’indifférence, le mensonge et l’anéantissement. Tous les caractères traditionnellement attribués au langage par la pensée du monde partent à la dérive ... Et pourtant l’opposition radicale qui sépare langage de la vie et langage du monde n’exclut pas leur rapport, bien au contraire. Ce rapport consiste en ceci que le premier fonde le second, lequel ne serait possible sans lui*. Un exemple soulignera l’importance de ce rapport de fondation entre les deux langages. Lorsque Marx déclare que « l’idéologie est la langue de la vie réelle », il ne veut nullement réduire cette vie – la faim, le froid, l’effort, la souffrance – au discours de l’idéologie.Tout au contraire affirme-t-il que ce discours est d’un ordre, irréel comme les significations dont il est composé, mais que, inintelligible dans l’ordre qui est le sien, il ne s’explique que dans sa référence aux multiples modalités de la vie des individus vivants ». Ce regard originaire sur le monde révélé dans et par la vie nous fonde à partir de ce « je pense », dans la réalité existentielle d’un « je peux », d’un ego. L’approche phénoménologique de la vie si remarquablement dessinée par Michel Henry peut féconder notre approche psychopédagogique du langage et renouveler nos proposi- tions éducatives alternatives. Elle a l’immense mérite de discréditer toutes les idéologies éducatives qui pour asseoir leur pouvoir morcellent l’individu qui est par essence indivis. Se situant, avec une exigence intellectuelle extrême, au plus prés de l’origine de la réalité, au plus prés du surgissement de la vie, dans une immanence radicale, il ouvre à la pédagogie qui ne se contente pas d’enseigner des savoirs mais se préoccupe aussi d’éduquer des