nos intérêts égoïstement et à piller les richesses des autres dans le grand Monopoly planétaire, nous tomberons ensemble pour le plus grand malheur de tous Or c’est cela dont la démarche pédagogique présentée ici permet aux élèves de faire l’expérience. C’est dire si elle est infiniment précieuse. Ce qui fait de la « démarche-chemin » une pédagogie terriblement prometteuse, c’est la hardiesse intellectuelle avec laquelle ses concep- teurs l’ont élaborée. Sans entretenir le moins du monde la confusion, ni sombrer dans un syncrétisme qui brouillerait toute possibilité de compréhension rigoureuse, ils osent faire se confronter la science et les contes, les approches ludiques avec des exercices structurés, l’exploration et la formalisation, l’intuition et la systématisation... Ils savent que, si la pensée qui se construit est nécessairement, à un moment ou à un autre, analytique, elle doit aussi faire appel à une heuristique ouverte.Ils savent l’importance de la part du maître comme disait Célestin Freinet et, s’ils respectent la démarche des élèves, ce n’est pas pour les abandonner à eux-mêmes C’est pour être, au coude à coude avec eux l’incarnation de l’exigence qui permet de grandir Enfin, si je salue particulièrement ce travail c’est parce que, d’une certaine manière, il fait de l’éducation à l’environnement une nouvelle matrice scolaire Trop souvent en effet, cette dernière est présentée comme un objectif supplémentaire de l’École alors qu’elle pourrait être ce qui permet de repenser l’ensemble de ses programmes et de ses pratiques. Car de quoi s’agit-il, en réalité De rien de moins que de l’avenir et de la survie de notre monde Et quelle est l’ambition de l’entreprise éducative, si ce n’est de met- tre les générations qui arrivent en mesure précisément d’assurer l’avenir et la survie de la planète ? N’entretient-on pas la nostalgie de l’École de Jules Ferry qui, dit-on, disposait d’un projet fédérateur et mobilisateur assurer l’unité nationale, préparer la reconquête de l’Alsace et de la Lorraine, développer notre empire colonial Sacrés enjeux pour l’époque Mais celui d’assurer la pérennité du monde ne le vaut-il pas largement Ne serait-il pas logique de repenser l’ensemble de nos contenus et de nos méthodes scolai- res à travers lui ? Il nous faudrait alors, par exemple, décider des œuvres littéraires qu’il est absolument essentiel d’avoir rencontrées car elles permettent d’approcher les forces archaïques qui nous menacent de les symboliser et de les exorciser Il nous faudrait repérer les moments fondateurs de l’histoire des hommes, ceux où leur destin a basculé, où les décisions prises ont changé le cours des choses. Il nous faudrait aussi regarder de près l’histoire des sciences et des techniques, étudier la manière dont les civili- sations ont pu les utiliser et les bouleversements sociaux qu’elles ont engendrés Il nous faudrait identifier les outils dont l’homme d’aujourd’hui a besoin pour prendre des décisions qui engagent demain Savoirs sur lui-même et son propre corps Savoirs sur le monde biologique et physique. Savoirs sur l’organisation sociale les droits et les devoirs qu’elle impose Savoirs sur l’organisation économique et les échanges entre les hommes Tous savoirs qui ont directement du sens pour la génération qui vient puisqu’ils lui permettront de comprendre et de construire le monde. D’éviter d’en abandonner l’avenir au caprice des hommes dans un jeu qui malheureusement, n’est plus un jeu de hasard Rien d’autre en réalité qu’une éducation au futur si l’on peut se permettre cet étrange pléonasme Une éducation au futur que la démarche- chemin présentée ici incarne admirablement. Philippe Meirieu Professeur des universités