Notre monde agité et gagné par la fureur du bruit perd de plus en plus de vue les vertus alchimiques du silence. C’est pourtant parce qu’il a créé les conditions de l’écoute que l’homme s’est ouvert à la compréhension du monde et à sa propre intériorité. L’émergence de l’ego, du sujet, se fait à travers l’introspection que permet le silence. Une société qui fuit les occasions de silence et se perd dans le tohu-bohu est une société qui se fuit elle même Toujours plus stimulés, voire agressés par leur environnement les enfants sont en hyper-réactivité permanente Or le sujet pour se construire a besoin de dialoguer avec lui-même, d’aller à la recherche et à la rencontre de son centre Dans le même temps faire silence c’est s’inscrire dans une possible éthique du dialogue en permettant l’expression de l’autre et son écoute Le silence qui précède l’action permet de contenir une impulsivité bouillante expression d’un mauvais contrôle des pulsions et des émotions. Grandir c’est aussi se contenir pour parler et agir à bon escient Les ateliers de philosophie nous les avons nommés ateliers de réflexion sur les rerlations humaines dans le livre que nous avons présentés à la première situation problème, sont des moments privilégiés parce que gratuits, de la parole entre pairs. La parole enfantine non parasitée par les interventions de l’adulte structure progressivement la pensée et les échanges, nourrit les silences et les hésitations avant l’expression, révèle à chacun , au sein de la communauté des élèves, son statut d’être pensant, d’un je peux Cette prise de conscience émerge parce que l’enseignant(e) accepte de faire lui- même silence Faire silence c’est aussi permettre à un temps passé qui est le temps de l’Histoire Il suffit de voir avec quelle avidité silencieuse et tension intérieure les enfants écoutent les conteurs pour comprendre les vertus alchimiques de ce silence habité par la magie du récit de fiction Mais l’histoire et les contes ne sont pas les seuls lieux de l’imaginaire Il est aussi celui du scientifique qui fait des hypothèses expérimente et interroge les effets de l’expérimentation pour infirmer ou confirmer ses hypothèses Par analogie, dans les apprentissages que l’on propose aux enfants il ne s’agit pas de se satisfaire du simple produit de l’action et de l’évaluer, le noter Il faut permettre aux enfants d’interroger les procédures et les processus qu’ils ont engagés pour obtenir un résultat donné Le silence qui permet un retour sur l’action pour en analyser la dynamique et les obstacles n’est possible que si le climat éducatif est tout à la fois exigeant et chaleureux et si le statut de l’erreur est positif dédramatisé Considéré comme moment privilégié d’apprentissage l’erreur n’est alors plus vécue comme faute avec sa charge de culpabilité inhibante Cette pratique méta-cognitive, qu’un retour serein sur l’action permet donne progressivement à l’enfant du pouvoir sur ses apprentissages celui d’apprendre à apprendre Il accède alors suivant les systématiciens, aux apprentissages du 2éme type, qui le font progresser sur le chemin de l’autonomie Le silence peut aussi donner l’occasion d’une introspection qui interroge nos actes dans la vie de tous les jours, en famille, à l’école dans les quartiers ou dans les associations culturelles et sportives. Ces apprentissages du 3éme type qui ouvrent sur la structuration d’une éthique de l’action sont essentielles à une éducation citoyenne Responsabiliser oui culpabiliser non A l’heure où l’on entend chanter les vertus d’un retour de la culpabilité comme remède à la violence et aux désordres sociaux il convient d’être précis le sentiment d’être coupable est un déni de soi-même une violence contre soi et un asservissement Il génère une terrible colère qui est une des principales sources de violence Tout chemin de libération exige un dépassement de la culpabilité Mais tout chemin de libération requiert aussi un impitoyable et féroce auto discernement sur le fond d’un questionnement mes actes manifestent ils ma vérité ma vie exprime-t-elle mon être